"Sacré temps de chien", de James Holin
Sacré temps de chien
James Holin
Editions Ravet-Anceau / 2015
235 pages
Dans ce premier roman de James Holin, je retrouve un aspect que j'avais bien apprécié dans son second roman - Un zéro avant la virgule / 2016 -, soit l'interaction entre les personnages, voir les personnages tout court.
Un bon nombre d'entre eux en ramasse plein la gueule, si j'ose dire, surtout ceux qui représentent une haute fonction publique ou politique, ou alors tout simplement ceux qui "se la pètent". L'auteur ne leur laisse aucune chance pour se racheter; d'ailleurs, je ne pense même pas qu'ils auraient envie de le faire. Quand on est con...
Certains de ces personnages sont tout simplement imbuvables, profondément crétins et fiers de l'être. James Holin est très habile pour nous décrire ces diverses personnes dans leur environnement respectif, en usant d'un humour subtil et d'une écriture assez fine. Le gratin politique et / ou les habitués des dîners mondains doivent certainement se reconnaître ici et se dire: "Est-ce que nous sommes aussi ridicules et crétins qu'eux?". J'ai la réponse mais je la garde pour moi.
Un second point bien appréciable est cette ambiance dure et rude que nous reproduit l'auteur provenant de ce coin du nord de la France, où les pêcheurs sont à l'honneur. Chaque protagoniste de ce roman est pêcheur, l'était, connaît un pêcheur ou a une histoire de pêcheurs à raconter. Ça tangue, ça chavire, ça secoue et surtout ça mouille! Les pages de ce roman dégoulinent d'eau salée et glacée; nous sommes rassurés de retrouver de temps en temps la terre ferme.
"Un sacré temps de chien"! Le titre prend évidemment tout son sens.
James Holin nous emmène en effet assez haut sur le plan géographique, dans le département de la Somme, région Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Il semble bien connaître le coin qui est décrit d'une manière précise. Il y a internet et Google map pour tenter de parler d'une région, c'est sûr, mais les sensations et les émotions qui ressortent ici pour cette région, cet univers marin, ne se glanent pas sur le net!
Nous rencontrons une journaliste, Mireille, qui bosse pour un journal de la région. Après avoir parcouru le monde en qualité de grand reporter, elle a décidé quelques années auparavant, un peu poussée par son état de santé, de revenir aux sources. Mireille est un personnage que j'ai apprécié dès le départ; une femme avisée, maligne, simple, qui ne manque pas une occasion de vous remettre en place - avec la manière! - si vous dépassez un peu les bornes. Elle et moi avons un petit point commun: nous n'aimons pas trop les opportunistes! Elle le démontrera assez bien...
Deux cadavres retrouvés par des pêcheurs dans les fonds marins, les pieds enchaînés à une poutre métallique, vont faire entrer en scène le major Lécuyer, de la gendarmerie maritime de Boulogne-sur-Mer. Lécuyer est un personnage assez effacé, je n'ai pas grand-chose à dire à son sujet.
Parallèlement, Albert Emery, un braqueur qui vient de finir de purger sa peine, décide de "se ranger" et de se faire oublier. Les îles paradisiaques comme but à atteindre, naviguer un peu, ceci restent ses meilleures options. Mais il lui reste encore une chose à faire avant de partir: récupérer ce qui lui revient.
Ceci formera la base de l'intrigue.
Une enquête va évidemment être menée par la gendarmerie concernant les deux plongeurs assassinés, qui étaient apparemment liés à une association écologiste. La journaliste que j'ai mentionnée plus haut, sollicitée par cette même association - Mare nostrum -, va également fouiner de son côté.
Par ce roman, James Holin met en avant plusieurs thèmes, notamment l'écologie, un peu, les magouilles financières, surtout. Ceci va immanquablement nous amener vers une grosse entreprise très peu regardante et, bien sûr, vers une sphère politique pas très sérieuse, voire carrément pourrie. Il faut dire que dans ces petites régions, certaines personnes portent pas mal de casquettes différentes, voire carrément tout le magasin de couvre-chefs!
Nous sommes en pleine période électorale, ce qui impliquera pas mal de magouilles, encore un peu plus que d'habitude.
En définitive, l'attrait de cette intrigue se situe dans les fonds marins. Il y a des choses qui ne devraient jamais refaire surface, ceci dans tous les sens du terme.
Pour un premier roman, c'est du solide. J'ai décelé quelques petites "erreurs" de jeunesse, mais honnêtement rien de bien grave. Pour donner un exemple, j'évoquerais des répétitions inutiles, notamment dans la présentation des personnages. L'auteur nous apprend, par exemple, quels liens entretiennent la journaliste et son ex-mari, ceci à plusieurs reprises durant la lecture. Pas bien grave comme je l'ai dit mais cela trouble un peu le rythme.
Sinon l'auteur déroule une intrigue assez sympa et surtout cohérente. Ce n'est pas une enquête époustouflante mais une enquête qui se tient bien, avec un rythme correct qui nous accompagne jusqu'au bout.
Les personnages restent pour moi le point fort. James Holin a bien compris que c'est carrément ce qui compte le plus pour un lecteur! Du moins, un lecteur comme moi.
Bonne lecture.