"Le dragon du Muveran", de Marc Voltenauer --- Décevant

Publié le par Paco

Le dragon du Muveran
Marc Voltenauer

Éditions Plaisir de lire / 2016
668 pages

Un auteur suisse qui déploie une trame "polardesque" en Suisse, - comme je suis plus ou moins du coin -, cela m'interpelle, évidemment. Bon, après, il faut tout de même que cela tienne la route, soit cohérent, rythmé, agrémenté d'une intrigue toute en finesse avec des personnages vrais, dotés d'une bonne dose de caractère.

Est-ce que ce polar offre toutes ces qualités? Eh bien parlons-en.

Pour situer, l'intrigue se déroule à Gryon, petite commune accrochée au flanc d'une montagne dans le canton de Vaud, près du massif des Diablerets et proche voisin de la commune de Villars-sur-Ollon. Vous connaissez probablement cette station où l'on pratique les sports d'hiver.

Première impression. L'introduction est assez plate, plutôt banale. L'auteur nous présente quelques personnages, sans trop d'artifices. Paradoxalement, je dénote déjà pas mal de détails que je juge assez superflus et, franchement, cela me gêne; détails exagérés de gestes, de faits anodins qui n'apportent rien, notamment.

Nous faisons donc connaissance avec un couple gay, l'un est flic, l'autre journaliste "free-lance".  Nous rencontrons également assez rapidement la pasteur du village, une femme qui va découvrir, peu avant de célébrer son culte, un cadavre dans le temple de la commune. Nous sommes face à une mise en scène religieuse morbide, le genre de scénario déjà vu et revu mainte fois.

Premier constat, au niveau procédure, je m'interroge déjà sur le fait que cela soit des flics de la police municipale de Lausanne qui interviennent sur un crime commis à Gryon. C'est du moins comme cela que je l'ai compris - et je pense avoir bien compris. Cette tâche devrait normalement être confiée à la police judiciaire du canton de Vaud. Ce point me contrarie déjà et me fait douter sur la qualité de la suite de l'intrigue. C'est comme le fait de solliciter une ambulance pour prendre en charge un cadavre, ben voyons (!). Dans mon canton (Fribourg), c'est certain, c'est le job d'une entreprise de pompes funèbres. C'est un détail, mais le détail fait pour moi toute la différence.

Je relève aussi le fait que de procéder à une interpellation matinale planifiée en effectuant un court trajet dans ce petit village, à quatre voitures de police en feu bleu, c'est assez visionnaire et très peu tactique! Ou encore (après j'arrête), regarder un flic collaborer quasi ouvertement avec son ami journaliste sur une affaire d'homicides sensible en lui transmettant la totalité des éléments, mouais... Le respect du secret de fonction n'a visiblement pas une grande importance ici.

J'insiste beaucoup sur ces détails, c'est vrai, car pour moi, - je dis bien pour moi -, c'est capital. Et malheureusement, ça détruit toute ma perception générale du polar.

A présent mon ressenti vis-à-vis des personnages. Les dialogues et les interactions - surtout au début - manquent à mon sens cruellement de vivacité et, surtout, de crédibilité. On se croirait dans une pièce de théâtre avec des acteurs qui lisent un texte qui ne leur est pas destiné et ceci sans grande conviction. Dommage.

Bon, au fil des pages, cela s'améliore un peu. Je reconnais qu'il y a de bonnes scènes qui m'ont bien fait sourire. Mais voilà, l'épaisseur des personnages reste pour moi bien fine, je n'ai vraiment pas réussi à m'imprégner de leur caractère. Je conçois et je respecte le fait que c'est un réel challenge de faire vivre des personnages d'un roman et de transmettre leurs émotions au lecteur, c'est certain. Ici, je ne me suis pas senti heurté ni impliqué d'une quelconque manière.

La tension et l'envie de tourner les pages, je ne les ai pas senties venir. L'enquête est très linéaire, trop linéaire, et manque de rythme. C'est lent et beaucoup trop long. L'auteur aurait pu, je pense, être plus efficient pour construire son intrigue. Cette enquête crimino-religieuse est assez ennuyeuse à suivre, cela "tire en longueur", comme si l'auteur aurait eu comme but ultime de fournir un maximum de pages.

J'ai également eu pas mal de peine avec cette intrigue qui met en scène un tueur en série. J'ai eu le sentiment de recevoir en pleine tête toutes les bases qu'il peut y avoir sur ce genre d'assassins, comme si l'auteur aurait puisé quelques infos dans un livre du criminologue Stéphane Bourgoin. Le côté intrigue religieuse m'a également profondément ennuyé, avec un tueur qui laisse des messages bibliques à l'intention des enquêteurs. Niveau originalité, il faut admettre qu'il y a certainement mieux.

Un grand manque de consistance générale m'oriente définitivement vers une opinion sans précédent: je n'ai pas du tout croché à ce polar.

Les retours que j'ai aperçus dans la presse le classe carrément dans les meilleurs polars suisses; il faut croire que je ne l'ai pas perçu de la même manière que les autres.

Il paraît que tous les goûts sont dans la nature!

Publié dans Littérature suisse

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