"Méfaits d'hiver", de Philippe Georget
Méfaits d'hiver
Philippe Georget
Editions Jigal / 2015
347 pages
L'infidélité est devenue une "action" assez banale de nos jours, ou plutôt je crois qu'elle l'a toujours été, si l'on se réfère à l'Histoire, avec un H majuscule, ou tout simplement en observant le monde qui nous entoure.
Mais cette infidélité, vue par Philippe Georget, devient nettement moins banale et peut être la source même de toute une histoire, avec un h minuscule cette fois-ci: cette histoire. Ce fil rouge qu'est l'infidélité est très bien vu, c'est vrai, mais n'a pas réussi à me surprendre, ce que je regrette. Par contre, ce thème donne l'opportunité de développer une sacrée histoire au niveau du contact humain et là, l'auteur a réussi à me décoiffer! Je développe après.
Nous débarquons à Perpignan. Gilles Sebag, bon flic, marié et père de deux ados, - Sebag vous le connaissez probablement déjà si vous suivez l'auteur -, découvre un matin d'hiver, juste avant les fêtes, que son épouse est allée voir ailleurs, vérifier si l'amour est plus beau et plus intense hors du lit conjugal. Pour le flic, les interminables et douloureux doutes tombent: c'est une certitude, le téléphone portable de Madame, traitre d'une nouvelle ère (le portable par la femme, quoique...), a parlé. C'est la dégringolade dans sa tête, dans son âme, son amour propre et dans ses tripes.
Ecoeuré, c'est une nouvelle vie qui commence pour lui, celle d'un mec trompé, trahi, même si l'aventure de sa femme n'était que passagère et à présent terminée. Une agréable erreur de parcours. C'est en couple encore amoureux qu'ils vont avancer ensemble vers ce nouveau et désagréable statut matrimonial. Faux-semblants, faire semblant, questions nombreuses, réponses honteuses, puis accepter, vivre avec, pardonner, ou non.
L'auteur nous plante au milieu d'une atmosphère dérangeante, lourde et déplaisante, au sein d'une famille qui tourne bien, qui fait plaisir à voir, mais qui n'est pas à l'abri d'un foutu dérapage. Qui peut prétendre l'être...?
Sebag va côtoyer l'alcool, pas après pas, gorgée après gorgée, juste un verre après l'autre, et encore un, ça réchauffe le coeur, ça détend, ça calme, ça détruit.
Ce fameux fil rouge qu'est l'adultère commencera avec notre flic.
Pas loin de là, une femme de 47 ans, mère au foyer, a décidé de se créer une seconde jeunesse en trompant son mari. Enfin pleinement épanouie, elle sera abattue dans une petite chambre d'hôtel.
La police de Perpignan va enquêter sur cette mort violente. Enquête qui semble être d'une grande banalité. Un hôtel miteux, un mari, une femme, un amant, du cul: un meurtre. Pas besoin de faire un dessin. Si?
Et pourtant, il en faudra bien un. Il me semblait aussi que tout ceci était un peu trop simple et linéaire. L'auteur insère un chapitre qui remet pas mal les choses en question. Mes réflexions de lecteur actif et curieux sont restées bloquées, il faut dire que c'est assez particulier. Dans cette affaire, il y a quelque chose qui cloche et, du coup, mes neurones ont commencé à se bousculer, à jouer des coudes, pour tenter de se frayer un chemin vers une explication. Donc, du coup, je n'ai pas compris le truc, merde... Bien joué. Mais aussi tant mieux! A ce niveau de lecture, je reste en haleine.
Revenons au fil rouge. Comme si ce n'était pas encore assez au niveau des affaires de cocus, la police interviendra sur un suicide. Un homme a décidé de faire le grand saut après avoir appris que sa femme allait butiner dans des contrées voisines. Cela commence à faire beaucoup, surtout pour Sebag. Rien que de voir le mot infidélité devrait lui donner des vertiges, et peut-être l'alcool aussi...
Les coïncidences, on y croit un moment. Ensuite, de toute évidence, celles-ci deviennent des liens.
L'auteur a choisi comme thème principal l'adultère. C'est assez banal, comme le début de cette histoire d'ailleurs. Mais un thème qui peut devenir assez intéressant, complexe et surprenant, presque comme cette histoire.
Une fois n'est pas coutume, Philippe Georget fait beaucoup parler ses personnages. C'est tout simplement magnifique de suivre certains dialogues qui agrémentent ce polar, et là je prendrais comme exemple le flic Jacques Molina, grande gueule, imbu de sa personne, la réincarnation même du gros lourdaud, mais ô combien hilarant, suis fan!
Le personnage de Sebag ne m'a pas non plus laissé indifférent. Mis à part ses qualités de flic, avec son côté très intuitif, perspicace et "rentre dedans", nous pouvons observer ici l'envers du décor, j'entends par là sa vie privée, intime. Nous découvrons un homme, - un être humain! -, avec ses faiblesses, ses soucis, avec ses états d'âme, ses peurs et ses angoisses, face à une famille, un couple, qu'il faut gérer et faire avancer. Peut-être que je vous l'apprends ici: oui, un flic est un être humain avant tout chose...
Et puis lire Georget, c'est aussi se retrouver face à des phrases cultes, des expressions ou proverbes détournés, des suites de mots donnant un résultat subtil, fin et - surtout! - à mourir de rire. Moi qui suis un vrai fan de ces trucs-là, j'ai vraiment été comblé! Philippe Georget a une sacrée maîtrise de l'écriture, ceci n'est plus à remettre en question.
Au niveau de l'intrigue, je n'ai pas été surpris. C'est à mon sens assez prévisible. Je m'attendais à un dénouement plus coriace et plus complexe. Suis-je peut-être un peu trop exigeant à ce niveau-là? Possible, mais c'est comme ça.
Je dois aussi admettre que la qualité de l'écriture et la mise en scène des personnages ont bien pesé sur la balance pour faire en sorte que cette dernière penche vers une histoire assez percutante, surtout en ce qui a trait à la nature humaine, aux contacts humains, soit à l'Homme.
Bonne lecture.