"La défense", de Steve Cavanagh
La défense
Steve Cavanagh
Editions Bragelonne / 2015
377 pages
Belle découverte. L'auteur, avocat de profession, met en scène un avocat. C'est déjà bon signe, il est sensé savoir de quoi il parle. Je vous rassure tout de suite, c'est bien le cas. Nous vivrons et nous suivrons un redoutable tour de force en ce qui concerne le travail de défense, - avec toutes ses subtilités à l'américaine -, et c'est assez bluffant, pour ne pas dire puissant.
L'auteur, en utilisant son personnage qui ne manquera pas de vous fasciner, nous parlera d'un problème qui, j'imagine, est assez récurrent dans la profession: l'éthique. Il ira même un peu plus loin que cet aspect en visant un point bien plus problématique encore: la sécurité des victimes.
Etre défendu, défendre, est un droit, respectivement un devoir fondamental, oui, mais il faut en assumer les conséquences morales. J'ai un avis bien précis sur la question, mais je ne préfère pas m'y attarder, ce n'est pas le but ici.
L'image de la couverture pourrait assez bien correspondre à la première page de ce roman, au début de cette histoire. Celui qui a l'arme pointée contre lui, c'est Eddie Flynn, un "ancien" escroc qui a changé de direction pour suivre enfin le droit chemin et devenir intègre. Enfin, plus ou moins, car il exerce à présent le métier d'avocat. Parler d'intégrité, de probité, pour un avocat, c'est comme affirmer qu'un garagiste est réglo ou qu'un dentiste est bon marché.
Nous sommes à Manhattan, NY. Eddie Flynn, pour être clair, n'exerce plus. Un procès l'a totalement anéanti une année auparavant. L'alcool fut alors son allié, son fidèle compagnon de tous les jours, pour le meilleur et, bien entendu, pour le pire. Je vous parlais de l'éthique, il faut en assumer les conséquences. La déontologie, pour un défenseur, peut parfois poser quelques petits problèmes...
Celui qui tient l'arme travaille pour le boss de la mafia russe, Olek Volchek. Ce dernier souhaite obtenir les services de notre ancien ténor du Barreau: une défense en béton concernant une affaire d'homicide. Eddie Flynn ne refusera pas, évidemment (il suffit de regarder l'image de la couverture). Pour confirmer sa détermination et paraître assez convaincant vis-à-vis de son futur défenseur, le mafieux ajoutera encore une petite contrainte: il détient sa fille de 10 ans et menace de la faire souffrir puis de la descendre s'il ne coopère pas.
La peur va s'effacer pour laisser la place à la rage. Eddie Flynn va devoir jongler entre sa vie actuelle, l'avocat, et sa vie antérieure, l'arnaqueur, pour, d'une part, déceler toutes les failles possible et, d'autre part, redresser et retourner la situation. Ce qui va s'avérer être assez fascinant, c'est qu'il n'aura pas le choix de jouer sur plusieurs tableaux, avec des règles à chaque fois différentes.
L'avantage est que peu de monde connaît son ancienne vie, celle qui est constituée d'arnaques, d'escroqueries, de manipulations, de castagnes, mais aussi d'un esprit très calculateur à fortes doses de persuasion. Vous êtes certainement en train de vous dire que je viens de lister les qualités d'un avocat et je vous donne totalement raison. D'ailleurs, notre personnage, en très mauvaise position, va devoir la jouer fine pour se sortir de cette impasse. Les qualités que je viens de citer vont être primordiales.
En exactement 30 pages, le ton est donné. Steve Cavanagh nous a harponnés et, probablement, il ne nous lâchera plus. La menace qui plane sur notre personnage est à son paroxysme, tout semble même figé. Nous nous mettons à la place d'Eddie Flynn - inévitable -, et nous croisons les doigts. Le scénario paraît simple, mais diabolique: l'issue semble infranchissable et inatteignable. C'est un réel combat de Titans qui débute, et il commence immédiatement.
L'auteur nous amène dans la cour du grand banditisme, entre mafieux russes et italiens. Nous suivons les codes qui guident chacun de leur pas, qui mènent à la vie de pacha ou à la mort. Mais aussi - et surtout -, nous approchons leur organisation et leurs méthodes de travail qui n'ont rien à envier aux plus grands corps de police ou aux plus puissants services de renseignements. Bon, il faut admettre que toutes ces institutions sont liées, qu'on le veuille ou non. L'argent ne fait pas le bonheur mais amène qui tu veux dans ton camp. A vous de juger finalement si cela contribue au bonheur. Posez peut-être la question à un mafieux!
Le Palais de justice va représenter la scène principale de notre spectacle plutôt stressant. Eddie Flynn va devoir prendre quelques initiatives pour sauver sa peau, celle de sa fille, et peut-être encore faire en sorte que ses assaillants soient hors d'état de nuire. Avec des bulldogs, des têtes pensantes et des têtes brûlées russes à ses basques en permanence, la mission demeure quasi impossible.
L'auteur nous met évidemment dans l'embarras, un conflit d'intérêts se présente devant nous comme un solide obstacle. Faut-il le contourner par la gauche ou par la droite? Respectivement, souhaitons-nous une issue juste, loyale ou non? Au fond de nous, nous espérons ne pas devoir choisir et démolir cet obstacle afin de passer à travers. C'est ce que nous allons attendre de notre personnage, car c'est ce qu'il devra faire pour lui-même.
Le personnage d'Eddie Flynn est très fouillé. Son passé est troublant, mais ô combien standard. Face à un père malade sur lequel les compagnies d'assurances se sont fait les dents à coup d'avocats sur la gueule jusqu'à sa mort, Flynn est devenu un peu malhonnête par la force des choses. Il s'attaquera aux "gros poissons" et fera plutôt bien les choses, avec une intelligence non négligeable. Encore une fois, ici, nous pouvons parler d'éthique et nous demander si le terme malhonnête est vraiment bien choisi. Cela va toujours dans les deux sens.
La question qui nous pend aux lèvres dès l'ouverture de ce roman est de savoir comment un être humain normalement constitué peut s'extraire d'une telle situation sans trop de dégâts.
L'auteur répondra à cette question!
Bonne lecture.